Mon père, ce salaud
Je crois n'avoir jamais parlé de mon père par ici. Et pourtant, même si face aux questions le concernant, je coupe court en disant que je n'ai pas de père, il est indéniable qu'il est là, quelque part dans un coin de ma tête. Pas de sentiments, pas de sympathie. Juste une présence, infime, mais évidente. Pourquoi? Je plante le décor :
Ma mère fut sa maitresse pendant 7 ans. Je suis née de leur relation adultérine, une conception désirée, des deux côtés. Ils se sont séparés quand j'avais 3 ans. Il nous a littéralement abandonnées. Il n'a jamais aidé ma mère financièrement, et elle, ne voulant pas d'histoires, et désirant protéger nos vies, n'a jamais rien réclamé. Il ne s'est jamais occupé de moi, ne s'est jamais intéressé à ce que j'étais, à ce que je devenais. Son credo : venir une fois par an, pour mon anniversaire, pour se donner bonne conscience. Et le reste de l'année : le néant. Pas même un coup de fil, rien. Et moi, obligée de rester silencieuse, pour ne pas que sa famille découvre mon existence.
Il m'a déjà dit qu'il m'aimait. Je ne le crois pas. Je ne le croirai jamais. Pour moi, il n'est que mon géniteur. Il est aussi celui qui a laissé ma mère dans la merde. Il l'a laissée seule, et elle, tellement fière, n'a jamais rien demandé à personne. Plus tard, quand je fus en âge de comprendre, elle m'avoua que ces années furent très dures. Elle ne vivait pas, elle survivait. Ces mots, je ne les oublierai jamais, et c'est aussi pour cela que je ne lui pardonnerai jamais.
Aujourd'hui, ma mère est sortie déjeuner avec 2 amies. L'une d'entre elles a vu mon père récemment. Ma mère m'a rapporté leur conversation :
[Lui : Vous avez vu M... récemment? (en parlant de ma mère)
L'amie de ma mère : Elle est venue à mon départ en retraite au mois de juillet. Elle était avec Aurélie... Elle est très belle votre fille...
Lui : ..... Je devrais aller la voir plus souvent.]
Oh ben oui, en voilà une idée qu'elle est bonne! C'est bien, au moins il se souvient qu'il y a 22 ans, un de ses spermatozoïdes a fécondé l'ovule de ma mère! Ben oui, parce-que d'ordinaire il donne signe de vie à mon anniversaire, mais là ça fait plus de 2 ans que je n'ai pas de nouvelles. Merde, il a peut-être oublié que les anniversaires c'était tous les ans... Faut dire qu'il n'est plus tout jeune, sa mémoire lui fait peut-être défaut.
Quand ma mère m'a dit que son amie avait vu mon père, ma première réaction fut : "Ah, il est pas mort?!". Puis elle m'a dit qu'il avait l'air déprimé, et ma réponse fut : "Chacun sa merde!". Je n'aurai pas de peine pour lui. Pas après tout ce qu'il nous a fait.
Je ne sais pas comment je réagirai quand j'apprendrai sa mort. Une question qu'il m'arrive de me poser. Un grand mystère. Mais lorsque je pense à sa disparition, je pense surtout à l'après où, étant donné qu'il m'a reconnue, je vais me retrouver chez le notaire pour la succession, face à sa femme et à sa fille. Oh les regards assassins et les insultes fuseront sûrement, mais je pense être suffisamment grande gueule pour pouvoir nous défendre, ma mère et moi. Je n'ai pas pour habitude de me laisser marcher dessus. Je tiens ça d'elle.
Quoiqu'il en soit, malgré cette haine évidente que j'éprouve, avoir de ses nouvelles ne m'a pas laissée indifférente. Je ne saurais décrire cette sensation. Je sais juste que je ne suis pas restée de marbre.
Cette présence dans ma tête, j'aimerais tant qu'elle foutte le camp. Malheureusement, je crois qu'elle restera toujours... et que mes plaies ne cicatriseront jamais complètement...